Un seul exemplaire de la convention de rupture

Un seul exemplaire de la convention de rupture - Jurisprudence de la Cour de cassationUn seul exemplaire de la convention de rupture : quelles conséquences ? La validité d’une rupture conventionnelle repose sur le libre consentement des deux parties. Or, sans remise d’un exemplaire de la convention au salarié, dès sa signature par les parties, ce libre consentement n’est pas assuré. Par ailleurs, la possibilité, prévue par la loi, que l’une ou l’autre des deux parties puisse demander l’homologation de la convention de rupture n’est pas assurée. Jurisprudence de la Cour de cassation.

Convention de rupture en un seul exemplaire

Un maçon salarié et son employeur ont signé une convention de rupture du CDI le 8 avril 2009. Le salarié n’a pas reçu d’exemplaire de la convention de rupture.

La rupture conventionnelle a été homologuée à effet du 18 mai 2009.

Le salarié a ensuite saisi la juridiction prud’homale d’une contestation de la validité de la rupture conventionnelle et d’une demande d’indemnités.

L’arrêt de la cour d’appel et sa contestation par l’employeur

La Cour d’appel de Lyon (arrêt du 23 septembre 2011) a donné satisfaction au salarié, ce que l’employeur a contesté en formant un pourvoi en cassation.

Les motifs de l’arrêt de la cour d’appel et leur contestation par l’employeur ont été les suivants :

1°/ L’arrêt de la cour d’appel a retenu, pour dire nulle la convention de rupture, que « la seule mention sur la convention – au moyen d’une croix apposée dans la case correspondante – de la réponse négative à la question du recours à une assistance ne démontrait pas que le salarié avait été informé qu’il avait la possibilité de se faire assister ».

Faisant grief à la cour d’appel de cette affirmation, l’employeur a souligné que l’article L 1237-12 du code du travail, ne prévoit pas que l’employeur ait l’obligation de remettre préalablement au salarié un document mentionnant expressément qu’il a la possibilité de se faire assister au cours des entretiens. Selon l’employeur cette information résultait de la mention de la question expressément posée sur le document signé.

2°/ L’employeur a aussi fait grief à la cour d’appel d’avoir énoncé qu’une « convention de cette nature, étant un acte sous seing privé contenant des conventions synallagmatiques, devait être établie en deux exemplaires », par application de l’article 1325 du code civil, pour dire nulle la convention de rupture.

3°/ La cour d’appel a considéré qu’il résultait implicitement de l’article L 1237-14 du code du travail prévoyant que la demande d’homologation est adressée à l’autorité administrative par la partie la plus diligente avec un exemplaire de la convention-que la convention devait obligatoirement, pour qu’une des parties ne soit pas privée du droit de demander l’homologation, être établie en double exemplaire.

Pour l’employeur, la rupture résulte d’une convention signée par le salarié et l’employeur et la validité de la rupture conventionnelle n’est subordonnée par aucun texte à l’établissement de l’acte en deux exemplaires, ce qui n’a un intérêt que sur le terrain de la preuve. La cour d’appel a donc fait, selon l’employeur, une fausse interprétation de  l’article L 1237-14 du code du travail.

4°/  La cour d’appel a considéré « qu’à défaut pour le salarié d’avoir été en possession d’un exemplaire de la convention, il ne pouvait être vérifié qu’il avait eu une parfaite connaissance des termes de la convention signée, ni présumé qu’il avait retenu la totalité des dispositions-en particulier qu’il pouvait [contacter] le service public de l’emploi pour l’aider à prendre une décision en pleine connaissance de cause, qu’il disposait d’une faculté de rétractation, qu’il devait l’exercer dans un délai de quinze jours et que ce délai expirait le 23 avril 2009 ».

Pour contester cette vision, l’employeur a mis en avant que la cour d’appel constatait elle-même que toutes ces informations figuraient dans la convention de rupture que le salarié avait signée.

5°/  Pour dire nulle la convention de rupture, la cour d’appel a, de plus, relevé que le salarié n’avait pas daté lui-même la convention et qu’il n’avait pas fait précéder sa signature de la mention « lu et approuvé ».  Or, selon le salarié en dehors des exceptions prévues par la loi, un acte sous seing privé n’est soumis à aucune autre condition de forme que la signature des parties.

6°/ La cour d’appel a aussi tiré d’une insuffisance du montant de l’indemnité de 36,41 euros, un autre motif pour dire nulle dans son intégralité la convention de rupture. Le salarié a contesté ce motif en arguant que lorsqu’une clause d’un contrat n’est pas conforme à une règle légale impérative, seule la clause non conforme est invalidée et  remplacé par la règle légale.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation a considéré que « la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause ».

La Cour de cassation a conclu que la cour d’appel, ayant constaté que tel n’était pas le cas et en ayant déduit à bon droit que la convention de rupture était atteinte de nullité, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.

La cour de cassation a donc rejeté le pourvoi formé par l’employeur.

(Cour de cassation, chambre sociale, 6 février 2013, N° : 11-27000).

Conclusion

La remise au salarié d’un exemplaire de la convention de rupture est nécessaire pour que le salarié puisse demander l’homologation de la convention (au même titre que l’employeur) dans les conditions prévues par l’article L 1237-14 du code du travail (il s’agit surtout d’une justification juridique, car dans les faits, c’est presque toujours l’employeur qui se charge de l’envoi de la demande d’homologation).

La remise au salarié d’un exemplaire de la convention est également nécessaire pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer (s’il le juge nécessaire après relecture) son droit de rétractation en connaissance de cause.

Une cour d’appel, qui constate l’absence de remise d’un exemplaire au salarié, en déduit à bon droit que la convention de rupture était atteinte de nullité.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

 Source : jurisprudences de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr

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