La remise de la convention au salarié ne se présume pas

La remise de la convention au salarié ne se présume pas – Jurisprudence de la Cour de cassation du 3 juillet 2019Dans un arrêt du 3 juillet 2019, la Cour de cassation a précisé que la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié ne peut pas être présumée. Si en cas de contestation sur la réalité de la remise d’un exemplaire au salarié, la cour d’appel ne constate pas l’effectivité de cette remise, la rupture conventionnelle sera annulée. Ainsi, alors que la Cour de cassation est très ouverte sur les contextes dans lesquels une rupture conventionnelle est possible, elle exige des preuves du respect des règles de procédure.

 

Le contexte de la rupture conventionnelle et du contentieux

La signature de la rupture conventionnelle

Un salarié engagé en juin 2012 par une société, en qualité de vendeur a sollicité auprès de son employeur, par lettre recommandée avec accusé de réception, la possibilité de signer une rupture conventionnelle motivée par son souci de se consacrer à d’autres projets professionnels. Après  avoir obtenu l’accord de son employeur une convention de rupture du contrat de travail a été signée le 14 octobre 2014.

Le jugement du conseil de prud’hommes

Après la rupture conventionnelle, le salarié a saisi la juridiction prud’homale. Dans le cadre de cette procédure contentieuse, le 13 octobre 2016, il a obtenu du Conseil de prud’hommes de Saumur :

  • que soit dit nulle la convention de conventionnelle faute qu’elle ait été établie en deux exemplaires*, dont l’un remis au salarié. 
  • et qu’il lui soit alloué une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et une somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* Selon la cour d’appel, une mention sur l’imprimé indiquait que deux exemplaires avaient été établis. 

L’arrêt de la cour d’appel

A la suite du premier jugement, la Cour d’appel d’Angers a été saisie par l’employeur et a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes.

Pour débouté le salarié, la cour d’appel a retenu :

  • que la convention de rupture rédigée sur le formulaire Cerfa mentionnait qu’elle avait été établie en deux exemplaires,
  • et que « quand bien même il n’est pas indiqué que chacun des exemplaires a été effectivement remis à chaque partie, il doit être présumé que tel a bien été le cas ».

(Arrêt de la Cour d’appel d’Angers, 1er février 2018).

Le litige devant la Cour de cassation

Le pourvoi du salarié

Le salarié a formé un pourvoi en cassation  au motif que la convention de rupture doit être déclarée nulle, dans la mesure où il ne lui aurait pas été remis d’exemplaire.

La remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire :

  • pour qu’il puisse demander son homologation dans les conditions prévues par l’article L 1237-14 du code du travail. Selon cet article la demande d’homologation peut être faite par le salarié comme par l’employeur (même si dans la pratique, c’est quasiment toujours l’employeur qui s’en charge).
  • et pour garantir son libre consentement en lui permettant d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause.

L’arrêt de la Cour de cassation

Pour se prononcer sur le pourvoi du salarié, la Cour de Cassation a rappelé que pour débouter le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, l’arrêt de la cour d’appel a retenu « que la convention de rupture rédigée sur le formulaire Cerfa mentionne qu’elle a été établie en deux exemplaires, et que quand bien même il n’est pas indiqué que chacun des exemplaires a été effectivement remis à chaque partie, il doit être présumé que tel a bien été le cas ».

La Cour de cassation en a conclu « Qu’en statuant ainsi, sans constater qu’un exemplaire de la convention de rupture avait été remis au salarié, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». Par ces motifs, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Angers, en ce qu’il avait débouté  le salarié de sa demande en annulation de la convention de rupture et de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité compensatrice de préavis.

(Cour de cassation, chambre sociale, 3 juillet 2019, N° : 18-14414)

Conclusion : les employeurs doivent être prudents

La Cour de cassation avait déjà, en 2013, rappelé l’obligation, sous peine de nullité, de remettre au salarié un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle dès sa signature (Cour de cassation, chambre sociale, 6 février 2013, N° : 11-27000). Cette fois-ci, c’est l’absence d’une preuve suffisamment forte de la remise au salarié d’un exemplaire de la convention de rupture (imprimé Cerfa) qui est frappée de nullité.

Dans cette affaire, le formulaire Cerfa de rupture conventionnelle mentionnait qu’il avait été établi en deux exemplaires mais ne précisait pas qu’un exemplaire avait été effectivement remis à chaque partie. La cour d’appel avait pensé pouvoir le présumer.

La Cour de cassation a écarté la possibilité de présumer la remise d’un des exemplaires au salarié et considère que la simple mention du nombre d’exemplaires établis (deux ou trois) est insuffisante. Ainsi, les juges doivent constater qu’un exemplaire de la convention de rupture a été effectivement remis au salarié au regard des éléments de preuve rapportés par l’employeur.

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Les précautions à prendre

En conséquence, l’employeur doit constituer une preuve de la remise de la convention au salarié. Ce qui nous semble le plus probant est de faire apposer par le salarié la mention « reçu un exemplaire original en main propre le… » sur une photocopie de l’imprimé Cerfa dument rempli, daté et signé.

Par ailleurs, le strict respect des formes étant requis pour assurer la validité de la convention, nous recommandons vivement de veiller à un remplissage attentif et complet de l’imprimé Cerfa. Enfin, nous conseillons, en outre, que trois exemplaires soient datés par chacune des deux parties et signés en original (un pour l’employeur, un pour le salarié et un pour la demande d’homologation).

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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Sources : jurisprudence de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr

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