Conséquences d’une annulation d’autorisation de la rupture d’un salarié protégé

Conséquences d’une annulation d’autorisation de la rupture d’un salarié protégé - Jurisprudence du 15 mai 2019

La Cour de cassation a rappelé qu’en cas d’annulation de l’autorisation délivrée par l’inspecteur du travail, une rupture conventionnelle signée entre un salarié protégé et son employeur est nulle. Le salarié doit alors être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. A défaut d’une telle réintégration la juridiction prud’homale pourra, à la demande du salarié, décider d’une résiliation judiciaire du contrat. Celle-ci sera prononcée aux torts de l’employeur et produira les effets d’un licenciement nul. Jurisprudence du 15 mai 2019.

Rupture conventionnelle d’un salarié protégé – annulation de l’autorisation et non réintégration

Un salarié engagé par la société E. Mazarine en 2008 comme chef de projet senior avait été promu aux fonctions de directeur de projet. Il avait par ailleurs été élu membre de la délégation unique du personnel en 2011 et désigné membre du CHSCT en mars 2012.

Le 28 novembre 2012, il a signé avec son employeur une convention de rupture de son contrat de travail et ne s’est pas rétracté. Du fait de ses mandats de représentant du personnel, son employeur a présenté une demande d’autorisation de rupture de son contrat de travail à l’inspecteur du travail. L’inspecteur a autorisé cette rupture le 21 janvier 2013. Mais, à la suite de cette autorisation, le salarié a présenté un recours hiérarchique auprès du ministre du travail. Lequel a annulé la décision d’autorisation par l’inspecteur du travail, le 18 juillet 2013.

Ensuite, l’employeur a proposé au salarié un poste de chef de projet par courrier du 24 juillet 2013. Mais la réintégration n’a pas lieu…

Le contentieux sur les conséquences de l’annulation d’autorisation de la rupture

Le salarié protégé a saisi la juridiction prud’homale

Le salarié a considéré qu’il était face à un refus par son employeur de le réintégrer sur son poste ou un poste équivalent. En effet, il était directeur de projet et l’employeur ne lui proposait qu’un poste de chef de projet. Par ailleurs, l’autorisation de rupture ayant été annulée, la rupture du contrat ne pouvait plus avoir eu lieu. Le salarié a donc saisi la juridiction prud’homale le 27 septembre 2013, en sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l’employeur à lui payer diverses sommes.

La cour d’appel tire les conséquences de l’annulation de l’autorisation de la rupture conventionnelle

La Cour d’appel de PARIS a constaté que l’employeur n’avait pas rempli son obligation de réintégrer le salarié à son poste ou à un poste équivalent en lui restituant sa qualification et sa rémunération précédentes. Par conséquent, la Cour d’appel de Paris a prononcé aux torts de la société-employeur la résiliation judiciaire (1) du contrat de travail du salarié. Elle a aussi décidé qu’elle produisait les effets d’un licenciement nul.

Enfin, elle a condamné l’employeur à payer :

  • l’indemnité conventionnelle de licenciement,
  • l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés sur celle-ci,
  • ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement nul,
  • mais aussi un rappel de salaire et les congés payés sur celui-ci
  • et enfin une indemnité spéciale au titre de la violation du statut de salarié protégé.

(Arrêt de la cour d’appel de Paris, du 23 novembre 2017).

Le litige devant la Cour de cassation

Le pourvoi en cassation de la société-employeur

A la suite de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, la société-employeur a formé un pourvoi en cassation.

Selon l’employeur le contrat avait été rompu par la rupture conventionnelle et l’annulation de l’autorisation donnée par l’inspecteur du travail n’aurait pas nécessairement emporté celle de la convention de rupture. L’employeur s’est aussi appuyé sur le fait que le salarié était à l’initiative de la rupture conventionnelle et ne s’était pas rétracté. Selon lui, le salarié ne pouvait donc pas se prévaloir d’un droit à réintégration dans l’entreprise, uniquement basé sur l’annulation de l’autorisation donnée par l’inspecteur du travail à la convention de rupture.

En conclusion de ses arguments, l’employeur affirmait « qu’en prononçant la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, au motif pris de ce qu’il aurait manqué à son obligation de réintégrer le salarié, après avoir constaté [les faits], la cour d’appel a violé l’article L. 1237-13 du code du travail, ensemble les articles L. 2422-1 du même code et 1134, alinéa 3, du code civil, dans leurs rédactions applicables à la cause ».

La Cour de cassation approuve l’arrêt de la cour d’appel

La Cour de cassation a d’abord écarté les premiers arguments de l’employeur en les déclarants pour l’un non recevable, ou pour l’autre manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais ensuite, la Cour de cassation a considéré que « le salarié protégé dont la rupture conventionnelle est nulle en raison de l’annulation de l’autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu’il en résulte que, lorsque l’employeur n’a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d’une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur pour ce motif produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur ».

Aussi, la Cour de cassation a conclu que « la cour d’appel, qui a prononcé la résiliation du contrat de travail du fait de l’inexécution par l’employeur de son obligation de procéder à la réintégration du salarié dans son poste ou un poste équivalent, en a déduit à bon droit que le salarié pouvait prétendre à une indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à la fin de la période de protection dans la limite de trente mois ».

Par ces motifs, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur et condamné la société E-Mazarine aux dépens.

(Cour de cassation, chambre sociale, 15 mai 2019, N° : 17-28547)

Conclusion

La rupture conventionnelle d’un salarié protégé est nulle dès lors que l’autorisation de l’inspecteur du travail est annulée suite à un recours (hiérarchique auprès du ministre, ou contentieux auprès du tribunal administratif).

La réintégration, rendue obligatoire par l’annulation de la rupture conventionnelle, doit être proposé dans l’emploi précédemment occupé, ou dans un emploi véritablement équivalent. Si ce n’est pas le cas, le salarié pourra obtenir une importante indemnisation (voir l’arrêt de la cour d’appel).

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

Source : jurisprudence de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr

(1) La juridiction prud’homale peut résilier le contrat de travail à la demande d’un salarié qui reproche à son employeur des manquements graves à ses obligations contractuelles. C’est ce qu’on appelle la résiliation judiciaire. Si la résiliation judiciaire est décidée, la rupture est considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul si le salarié était représentant du personnel). Par contre, si la résiliation judiciaire n’est pas prononcée, le salarié continue de travailler dans les conditions habituelles (en principe le salarié est toujours en poste dans l’attente du jugement).

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