Nullité de la convention demandée par l’employeur

Nullité de la rupture conventionnelle demandée par l’employeur - Cour d'appel de MetzLa rupture conventionnelle doit être consentie par le salarié mais également par l’employeur. Or le consentement peut être vicié par l’erreur, le dol, ou la violence. Généralement, c’est le salarié qui prétend ne pas avoir consenti librement à la rupture conventionnelle. Mais une intéressante jurisprudence de la Cour d’appel de Metz montre que l’employeur peut dans certains cas avoir un motif légitime de faire valoir l’erreur ou le dol, pour faire dire nulle une rupture conventionnelle signée.

Le contexte de la rupture conventionnelle et du licenciement

Un salarié engagé le 9 septembre 1996 a signé une rupture conventionnelle avec son employeur (la SAS Smart France) le 9 janvier 2009. Le lendemain du jour où l’employeur avait transmis la demande d’homologation à l’administration du travail, il a été informé par la gendarmerie de vols à son préjudice commis par le salarié avec lequel la convention de rupture avait été signée. La gendarmerie a découvert les faits à l’occasion d’une perquisition du garage dont la gérante est l’épouse du salarié. A la suite, le salarié a reconnu avoir sorti illégalement des pièces de l’usine dans laquelle il travaillait.

L’employeur informé par la gendarmerie, a alors mis en œuvre une procédure de licenciement pour faute grave du salarié. L’administration du travail après avoir été informé a refusé l’homologation, au motif qu’une procédure de licenciement était engagée. Le licenciement a été prononcé le 11 février 2009.

Par la suite, le salarié licencié a été condamné pour vol de divers objets au préjudice de la société de son employeur (jugement du tribunal correctionnel de Sarreguemines, confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Metz et devenu définitif).

Le contentieux sur la validité ou la nullité de la rupture conventionnelle

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir l’annulation du refus d’homologation de la rupture conventionnelle, l’annulation de son licenciement, et en conséquence le versement de l’indemnité de rupture conventionnelle de 90 000 € et notamment 10 000 € de dommages et intérêts.

Le conseil de prud’hommes de Forbach, par jugement du 15 février 2011 a donné satisfaction au salarié, hormis pour sa demande de dommages et intérêts et autres demandes complémentaires.

La SAS Smart France a fait appel de ce jugement, en faisant valoir que si elle avait eu connaissance de ces faits, elle n’aurait en aucun cas conclu la convention de rupture conventionnelle avec son salarié et que son consentement avait été vicié par erreur ou dol dont s’était rendu coupable le salarié en lui dissimulant les faits de vol commis au détriment de l’entreprise.

Explication du droit et arrêt de la cour d’appel

Selon l’article 1109 du code civil *, il n’y avait pas de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Par ailleurs, selon l’article 1110 du code civil *, « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause
principale de la convention.
 »

Enfin, il résultait de l’article 1116 du code civil * que « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. », autrement dit le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son co-contractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter.

*applicable jusqu’au 30 septembre 2016. Ces dispositions ont été reprises avec une formulation révisée dans la nouvelle législation applicable depuis le 1er octobre 2016 (1)

Dans l’affaire soumise à la cour d’appel, le salarié avait volé divers matériels à son employeur avant la conclusion de la rupture conventionnelle, ce dont l’employeur n’a eu connaissance que postérieurement à la signature de la rupture conventionnelle. Rien ne permettait de considérer que l’employeur aurait pu en être informé avant la signature de la rupture conventionnelle.

La cour d’appel ne pouvait donc que constater que manifestement, le salarié n’avait pas agi de bonne foi vis-à-vis de son employeur, puisqu’après l’avoir volé, il n’avait [évidemment] pas donné d’information sur ce fait à son employeur préalablement à la rupture conventionnelle.

Or l’employeur n’aurait pas donné son accord à la rupture conventionnelle s’il avait été informé du vol commis à son détriment par le salarié, puisqu’il y avait matière à le licencier pour faute grave sans indemnité, ce qui a d’ailleurs été fait à partir de l’information reçue de la gendarmerie.

De ce fait, l’employeur était fondé à se prévaloir de ce que son consentement avait été vicié par le dol de son salarié. A tout le moins, pouvait-il légitimement invoquer une erreur sur les qualités essentielles de son co-contractant viciant son consentement, puisque s’il avait eu connaissance du comportement frauduleux de son salarié à son détriment, la rupture conventionnelle n’aurait pas été conclue avec celui-ci ou, en tout cas, ne l’aurait pas été aux mêmes conditions (90 000 euros, représentant près de 20 mois de salaire, d’indemnité de rupture conventionnelle).

Conclusions tirées par la cour d’appel dans son arrêt

En conséquence, La Cour d’Appel de Metz a prononcé la nullité de la rupture conventionnelle conclue le 9 janvier 2009 (arrêt du 6 mai 2013, N° : 13/00173).

La rupture conventionnelle étant nulle (c.a.d. censée n’avoir jamais existé). Il s’ensuit que :

  • la demande d’annulation du refus d’homologation de la rupture conventionnelle était sans objet, d’où l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes sur ce point.
  • le salarié  était débouté de sa demande de donner force exécutoire à la convention et de sa demande de condamnation de la société Smart France au paiement de la somme de 90 000 euros en exécution de la convention.

Par ailleurs, le salarié a été débouté de sa demande d’annulation de son licenciement présupposant la validité de la rupture conventionnelle.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

(1) L’article 1130 du code civil, reprenant la philosophie des anciens articles du code civil, indique maintenant que :

« L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. 

Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. ».

Par ailleurs, l’article 1112-1 du code civil précise que « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »

Ces deux textes d’article ont été introduits par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

Sources : jurisprudence des cours d’appel ; code civil.

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