Rupture conventionnelle sans libre consentement
La Cour de cassation rappelle dans cette jurisprudence que la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Le principe d’un réel libre consentement de chacune des parties à la rupture conventionnelle est essentiel pour sa validité. Les juges du fond apprécient souverainement les faits pour juger si le consentement du salarié a ou non été vicié.
Le contexte conflictuel de la rupture conventionnelle
Engagée en janvier 2009, une employée de vente a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre du 29 janvier 2010. Lors de cet entretien tenu le 10 février 2010, une liste de griefs lui a été présentée. La salariée a contesté ces griefs de l’employeur, en mettant en cause le comportement de celui-ci à son égard.
Le 22 février 2010, l’employeur a notifié à la salariée une mise à pied disciplinaire (dont les motifs ont été ultérieurement jugés trop généraux et non justifiés par le Conseil des Prud’hommes qui a annulé la sanction).
Avant même l’exécution de la mise à pied fixée aux 10,11 et 12 mars, l’employeur a convoqué la salariée par courrier du 8 mars 2010 à un entretien destiné à déterminer les modalités de la rupture. Selon l’employeur, la salariée avait demandé une rupture conventionnelle, ce que la salariée a démenti ultérieurement.
L’employeur et la salariée ont signé une convention de rupture à la fin de l’entretien tenu le 16 mars 2010. L’entretien n’aurait duré qu’un quart d’heure et d’après le conseiller du salarié, les parties n’auraient pas eu d’échange et se seraient contentés de compléter le formulaire de rupture conventionnelle.
La convention de rupture a été homologuée par l’autorité administrative.
Le contentieux sur la liberté du consentement
La salariée a ensuite saisi la juridiction prud’homale en demandant la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses sommes.
L’arrêt de la cour d’appel
La cour d’appel a constaté que l’employeur :
- avait engagé une procédure de licenciement quelques semaines avant la signature de la convention de rupture
- avait ensuite infligé à la salariée une sanction disciplinaire injustifié
- et l’avait convoquée à un entretien pour déterminer les modalités de rupture du contrat de travail qui n’avait duré qu’un quart d’heure et au cours duquel les parties n’avaient pas eu d’échange,
La cour d’appel en a déduit que le consentement de la salariée avait été vicié (arrêt de la Cour d’appel de Limoges, 9 octobre 2012).
Le pourvoi de l’employeur
L’employeur faisant grief à l’arrêt de la cour d’appel d’accueillir les demandes de la salariée a formé un pourvoi en cassation.
L’employeur a notamment contesté que la cour d’appel ait pu annuler la convention de rupture au motif « qu’elle était intervenue après que la salariée ait fait l’objet d’une sanction disciplinaire grave et injustifiée et alors qu’aucune observation ne lui avait été faite jusqu’alors sur son comportement ou son travail ». Selon l’employeur la cour d’appel a ainsi, sous couvert de contrôler le consentement de la salariée, opéré un contrôle du motif de la rupture conventionnelle, alors que celle-ci constitue un mode autonome de rupture.
Il a aussi rappelé que le législateur n’exige pas la tenue de plusieurs entretiens et ne fixe pas la durée de ces entretiens pour que soit garantie la liberté du consentement des parties à la rupture conventionnelle. Selon l’employeur en déduisant du fait que l’accord de rupture conventionnelle avait été signé au terme d’un « unique entretien » ayant « duré un quart d’heure » la conclusion que la salariée n’y avait pas donné un consentement libre et éclairé, la cour d’appel a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-12 du code du travail.
L’employeur a encore affirmé que la liberté du consentement du salarié est garantie dès lors qu’il a pu se faire assister lors de cet entretien par un conseiller.
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation a d’abord rappelé que la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle a ensuite indiqué : « qu’après avoir relevé que l’employeur avait engagé une procédure de licenciement quelques semaines avant la signature de la convention de rupture, qu’il avait ensuite infligé à la salariée une sanction disciplinaire injustifiée et l’avait convoquée à un entretien destiné à déterminer les modalités de la rupture du contrat de travail qui n’avait duré qu’un quart d’heure et au cours duquel les parties n’avaient pas eu d’échange, la cour d’appel a souverainement estimé que le consentement de la salariée avait été vicié ».
Par ces motifs, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur (Cour de cassation, chambre sociale, 12 février 2014, N°: 12-29208).
Conclusion : La Cour de cassation rappelle le principe du libre consentement de chacune des parties à la rupture conventionnelle. Ensuite elle se contente de constater que les juges du fond ont « souverainement », sur la base d’éléments de faits retenus par eux, « estimé que le consentement de la salariée avait été vicié ». La Cour de cassation juge le respect du droit et non les faits, dont l’appréciation relève des juges du fond.
Cette jurisprudence de la Cour de cassation de février 2014, est à rapprocher d’une autre jurisprudence du 23 mai 2013, N° : 12-13865.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : jurisprudence de la Cour de cassation legifrance.gouv.fr
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