Rupture conventionnelle et inaptitude
Une rupture conventionnelle concernant un salarié déclaré inapte par le médecin du travail est-elle possible ? Pendant longtemps, la réponse était négative. Mais dans un arrêt du 9 mai 2019, la Cour de cassation a décidé que, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle est possible pour un salarié déclaré inapte. En l’espèce l’inaptitude était consécutive à un accident du travail et la salariée n’avait pas allégué de fraude ou de vice du consentement. Mise à jour le 22 juillet 2019.
Rupture conventionnelle et inaptitude : quelques notions
L’inaptitude
L’inaptitude du salarié est celle constatée par le médecin du travail. Elle peut être d’origine professionnelle * ou non professionnelle.
* maladie professionnelle ou accident du travail
L’obligation de reclassement et de reprise de la rémunération
Sauf si le médecin du travail l’exclu, l’employeur a l’obligation de rechercher un reclassement conforme à ses indications pour le salarié inapte et de consulter les représentants du personnel.
Le salaire est suspendu dès que l’inaptitude est prononcée. Mais, doit être repris si le salarié déclaré inapte n’est ni reclassé dans l’entreprise, ni licencié, dans le délai d’un mois.
Le licenciement pour inaptitude
Le licenciement d’un salarié en inaptitude est autorisé :
- Si le médecin du travail mentionne sur l’avis d’inaptitude son opposition au reclassement pour des raisons médicales,
- Si son employeur est dans l’impossibilité de lui proposer un nouvel emploi adapté,
- Ou si le salarié a refusé au moins un poste, que son employeur lui a proposé en respectant les exigences définies par le médecin du travail.
Lorsque l’origine de l’inaptitude est professionnelle, sauf refus abusif de reclassement, le salarié a droit à une indemnité spéciale de licenciement (indemnité légale doublée) et à une indemnité compensatrice pour le préavis.
La rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle est un mode spécifique de rupture du contrat de travail totalement différent du licenciement pour inaptitude. La rupture conventionnelle repose sur un accord amiable entre l’employeur et le salarié, sans recherche d’un reclassement pour l’employeur et sans suspension de sa rémunération pour le salarié.
Même si la Cour de cassation a décidé en 2019 qu’une rupture conventionnelle est possible pour un salarié déclaré inapte, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, l’employeur comme le salarié doivent s’interroger avant de faire le choix de la rupture conventionnelle.
Opter pour une rupture conventionnelle pour un salarié médicalement inapte
Avant d’opter pour une rupture conventionnelle, si l’autre partie en est d’accord :
1 – l’employeur aura intérêt à comparer les risques juridiques encourus. Pour l’inaptitude, le risque est que la recherche du reclassement n’ait pas été bien menée. Pour une rupture conventionnelle, le risque est qu’un vice du consentement soit invoqué et reconnu.
2 – le salarié devra comparer avec attention les conditions financières respectives d’un licenciement pour inaptitude et d’une rupture conventionnelle.
Ceci est particulièrement vrai si son inaptitude est professionnelle, car pour un même montant d’indemnité, sauf en cas de refus abusif d’un reclassement valable, les exonérations de cotisations sociales et le début d’indemnisation par Pôle Emploi ne seront pas les mêmes. La différence de rémunération perçue jusqu’à la fin du contrat de travail peut aussi être pris en compte…
Ceci est complexe et dans le doute le salarié en inaptitude professionnelle aura, à notre avis, intérêt à refuser une rupture conventionnelle à la place du licenciement pour inaptitude.
De l’impossibilité à la possibilité de rupture conventionnelle pour un salarié inapte
Pendant longtemps, il était considéré qu’une rupture conventionnelle était exclue pour un salarié médicalement inapte, c’était notamment la position de l’administration et la jurisprudence ancienne allait en ce sens. Ensuite, plusieurs arrêts de la Cour de cassation portant sur la rupture conventionnelle ont créé un doute, avant que la Cour se prononce pour la compatibilité.
Une vision de 2002 de la Cour de cassation
La Cour de cassation a cassé un arrêt d’appel qui avait dit applicable un protocole d’accord mettant fin à un contrat de travail d’un commun accord, alors que le médecin du travail avait indiqué que le salarié était « inapte à ce poste de travail – apte à un travail sédentaire dans des horaires normaux (travail d’exécutant) contre-indication de responsabilité impliquant stress et surmenage ainsi qu’à tout travail impliquant des efforts physiquement pénibles ».
Pour la Cour de cassation « en statuant ainsi, alors que la résiliation d’un commun accord était illégale, la cour d’appel a violé l’article susvisé » [à l’époque l’article L 122-24-4 du Code du travail ; l’article L 1226-4 depuis le 1er mai 2008] (Cour de cassation, chambre sociale, 12 février 2002, N° : 99-41698).
La vision de l’administration du travail à la mise en place de la rupture conventionnelle
Dans le même sens que cette jurisprudence, l’administration, dans la circulaire DGT n°2009-04 du 17 mars 2009, avait pris une position interprétative très large de la nécessité de respecter toutes les protections particulières prévues concernant la rupture de son contrat de travail. Pour les salariés bénéficiant d’une telle protection (salariés en accident du travail, ou en congé maternité, par exemple), aucune rupture conventionnelle n’était légale selon elle, du fait que la rupture de leur contrat est fortement encadrée par le Code du travail.
Vision intermédiaire : celle du doute sur l’impossibilité d’une rupture conventionnelle pour un salarié inapte
Depuis, la Cour de cassation a pris une position contraire à celle de l’administration concernant la possibilité d’une rupture conventionnelle dans différentes situations du salarié : maladie professionnelle, accident du travail, congés maternité, aptitude avec réserve…
Pour la Cour de cassation, le critère essentiel pour déterminer la validité d’une rupture conventionnelle est que le salarié ait donné son consentement de façon libre et éclairée et qu’il n’y ait pas fraude.
Nous avons alors indiqué qu’il semblait « impossible d’être affirmatif dans un sens ou dans l’autre, tout en recommandant la prudence. »
2019 : la Cour de cassation a décidé qu’une rupture conventionnelle est possible avec un salarié déclaré inapte
Dans l’arrêt du 9 mai 2019 (n°17-28767), la Cour de cassation a considéré qu’une « cour d’appel a retenu à bon droit que, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, non allégué en l’espèce, une convention de rupture pouvait être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail ».
Ce qui est accepté pour un salarié en inaptitude d’origine professionnelle bénéficiant d’une protection particulière, le sera naturellement dans les mêmes conditions pour un salarié en inaptitude d’origine non professionnelle.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
Sources : code du travail ; jurisprudences de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr.
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