Rupture conventionnelle pendant un arrêt maladie de longue durée
La Cour de cassation ne remet pas en question l’appréciation des faits par les juges de la cour d’appel. Lorsque ceux-ci ont jugé que la liberté de consentement avait été respectée, bien que le salarié ait été en arrêt maladie de longue durée, la convention de rupture conventionnelle sera dite valable, Selon cette jurisprudence de la Cour de cassation, le fait qu’il y ait eu un différend entre le salarié et son employeur n’affecte pas, par lui-même, la validité de la convention de rupture conventionnelle.
Rupture conventionnelle alors qu’existe un différend, pendant un arrêt maladie de longue durée
Un salarié a été engagé en décembre 2000 en qualité de vendeur par un garage. Ce salarié a été candidat à des élections professionnelles. Au cours de la relation contractuelle, l’employeur a fait part au salarié de ses inquiétudes concernant l’exécution défectueuse de son travail et de l’insuffisance de ses résultats. Il l’a ensuite été accusé de jeter le discrédit sur la société pour essayer de négocier son départ de l’entreprise.
Le salarié a eu un arrêt de travail pour maladie débutant le 24 avril 2008. Alors que l’employeur l’accusait de simuler sa pathologie, des courriers du médecin du travail des 23 mai, 23 juin et 16 décembre 2008 ont imputé l’arrêt de maladie du salarié à « une souffrance au travail » et envisageaient la nécessité d’un reclassement externe.
Le 14 janvier 2009, le salarié a signé une convention de rupture conventionnelle avec son employeur sans qu’il y ait eu de visite de reprise. Aucune rétractation n’étant intervenue dans le délai légal, la convention a été homologuée à la demande conjointe des deux parties par l’autorité administrative le 9 février. La rupture conventionnelle a pris effet au 18 février, avec versement d’une indemnité spéciale de rupture de 4 225,08 euros.
Le contentieux prud’homal
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale en demandant l’annulation de la convention de rupture conventionnelle, la requalification de la rupture en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et la condamnation de son employeur au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts.
L’arrêt de la Cour d’appel : le congé-maladie ne remet pas en cause la validité de la convention
La Cour d’appel de Rennes a débouté le salarié au motif que « la circonstance que le contrat de travail se trouvait suspendu en raison du congé-maladie depuis plus de huit mois du salarié sans qu’aucune reprise n’ait été envisagée justifiant une visite auprès du médecin du travail, ne saurait remettre en cause la validité de la convention de rupture librement consentie en l’absence de tout litige préexistant » (arrêt de la Cour d’appel de Rennes, 23 mars 2012).
La cour d’appel avait aussi relevé qu’il était établi au terme d’une enquête interne à l’entreprise qu’aucun acte de harcèlement moral ou de discrimination syndicale de la part de l’employeur ou d’un supérieur hiérarchique n’avait été commis au préjudice du salarié, dont les assertions ont été contredites par différentes attestations précises et concordantes d’autres salariés.
Le pourvoi en cassation du salarié
Le salarié a alors formé un pourvoi en cassation.
Selon le salarié :
1°/ il aurait établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, or la cour d’appel se serait déterminé par des motifs vagues et imprécis, exclusivement déduits des résultats de l’ enquête interne diligentée par l’employeur, sans examiner elle-même aucun des éléments invoqués par le salarié (…).
2°/ ne donne pas un consentement libre et éclairé le salarié dont le contrat de travail est suspendu en conséquence d’une maladie liée à ses conditions de travail, menacé d’être privé de ressources par une décision administrative de cessation des indemnités journalières.
3°/ une rupture conventionnelle ne peut intervenir alors qu’existe un litige entre les parties (or, selon le salarié, il résultait des courriers de l’employeur produit aux débats qu’au jour de la rupture conventionnelle il [le salarié] se sentait victime d’un harcèlement moral, nié par l’employeur qui, pour sa part, lui faisait des reproches).
L’arrêt de la Cour de cassation : un différend n’affecte pas par lui-même la validité de la convention
La Cour de cassation a, d’abord, considéré « qu’il ne résulte ni des pièces de la procédure ni de l’arrêt que le salarié a invoqué devant les juges du fond des agissements précis de l’employeur susceptibles de laisser présumer un harcèlement moral ; que le moyen [l’argumentation du salarié] est mélangé de fait et de droit et [pour partie] nouveau … »
Elle a, ensuite, indiqué « que la cour d’appel a souverainement estimé, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ou de s’expliquer sur les pièces qu’elle décidait d’écarter, qu’au moment de la signature de la convention le consentement du salarié était libre et éclairé »
Enfin, la Cour de cassation a rappelé « que l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail ».
Par suite, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du salarié.
(Cour de cassation, chambre sociale, 30 septembre 2013, N° : 12-19711)
Conclusion :
Selon la Cour de cassation, dès lors que les juges du fond (ceux de la cour d’appel) ont jugé que la liberté de consentement avait été respectée bien que la rupture conventionnelle du contrat de travail a lieu lors d’un arrêt de maladie de longue durée, la convention de rupture est valable, quand bien même il y avait un différend entre les parties à l’époque de la négociation et de la signature de la rupture conventionnelle.
Il faut rappeler que la Cour de cassation juge le respect du droit et non les faits, dont l’appréciation relève des juges du fond (ceux de la cour d’appel). Une contestation de l’appréciation des faits par les juges du fond est donc irrecevable en cassation et rejeté à ce titre par la Cour de cassation.
Cette jurisprudence de la Cour de cassation du 30 septembre 2013, est à rapprocher notamment de celles-ci : jurisprudence du 23 mai 2013, N° : 12-13865 et jurisprudence du 12 février 2014, N°: 12-29208.
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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Source : jurisprudences de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr
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