Non remise de la convention de rupture à la salariée
Une salariée engagée en janvier 2005 par la société Binafor en qualité de cuisinière, en CDD poursuivi par un CDI, a vu sa relation contractuelle prendre fin le 9 avril 2009 dans le cadre d’une convention de rupture du 4 mars 2009, alors que la salariée était absente car en congés. Après la rupture conventionnelle, la salariée a saisi la juridiction prud’homale concernant d’une part son contrat de travail et d’autre part pour faire dire nulle la convention de rupture, qu’elle n’avait pas signé elle même et dont elle affirmera ne pas avoir reçu d’exemplaire.
L’arrêt de la cour d’appel contesté
Concernant la rupture conventionnelle, la cour d’appel a relevé que la salariée avait soutenu que son consentement à la convention avait été vicié, mais qu’elle n’avait invoqué ni l’erreur, ni le dol, ni la violence, qui sont les seuls cas mettant en cause le consentement selon l’article 1109 du code civil.
La cour d’appel a constaté que la signature sur la convention [ayant la forme d’un imprimé Cerfa] présentait une dissemblance avec celle sur la carte d’identité de la salariée et une grande similarité avec celle de sa fille sur la carte d’identité. La cour d’appel a donc reconnu que la salariée n’avait pas signé elle-même la convention de rupture, tout en considérant que cela ne suffisait pas à en affecter la validité, puisque la loi permet à une partie à un contrat d’être représentée par un tiers à qui elle a donné mandat. Or, il ne ressortait aucunement du dossier que la procédure de rupture conventionnelle aurait pu être menée par l’employeur avec la fille de la salariée, à l’insu de celle-ci.
La cour d’appel a également établi « le fait que Mme X… se trouvait en congés à l’époque des entretiens ayant précédé la signature de la convention n’affecte en elle-même la validité de cette convention ».
Enfin, la cour d’appel s’est abstenue de répondre concernant le défaut de remise d’un exemplaire de la convention de rupture, invoqué par la salariée.
Sur ces motifs, la Cour d’appel de Paris (arrêt du 3 décembre 2015) a débouté la salariée.
La salariée a formé un pourvoi en cassation en exposant ses griefs contre l’arrêt de la cour d’appel, en l’espèce :
- conclusion d’une convention de rupture, (la cour d’appel avait relevé qu’elle était en vacances, ce qui prouvait l’absence d’entretien), or la tenue dudit entretien constitue une condition substantielle de la rupture conventionnelle ;
- l’absence de réponse aux conclusions développées oralement lors de l’audience des débats, invoquant le défaut de remise d’un exemplaire de la convention de rupture, déterminantes pour l’issue du litige.
L‘arrêt de la Cour de cassation
Considérant « que la cour d’appel a débouté la salariée de sa demande d’annulation de la convention de rupture sans répondre à ses conclusions qui invoquaient le défaut de remise d’un exemplaire de la convention de rupture, ce qui était de nature à entraîner la nullité de la convention », la Cour de cassation a relevé qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile.
Par ces motifs, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel « en ce qu’il déboute la salariée de sa demande d’annulation de la convention de rupture conventionnelle, de ses demandes subséquentes de préavis et congés payés afférents et de dommages-intérêts au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ».
(Cour de cassation, chambre sociale, 7 mars 2018, N° : 17-10963)
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Conclusion
La rupture conventionnelle, qui peut être négociée librement entre l’employeur et le salarié (sous réserve du respect de l’indemnité minimum), n’est possible qu’en respectant strictement la procédure.
L’employeur est notamment tenu d’établir la convention de rupture en 3 exemplaires (un pour l’employeur, un pour la demande d’homologation et un pour le salarié qui doit réellement la recevoir).
Cet arrêt de la Cour de cassation nous rappelle que l’absence de remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié rend nulle la rupture conventionnelle, qui s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : jurisprudence de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr
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