L’inaptitude n’interdit pas la rupture conventionnelle
La Cour de cassation a approuvé l’arrêt d’une cour d’appel qui avait retenu que « sauf cas de fraude ou de vice du consentement, non allégué en l’espèce, une convention de rupture pouvait être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail » (arrêt de la chambre sociale du 9 mai 2019). Jusque-là, il était communément considéré qu’une rupture conventionnelle ne pouvait pas être valide après une déclaration d’inaptitude. Maintenant, attention au risque d’invocation d’une fraude ou d’un vice du consentement.
Une salariée employée par la société AFR (anciennement Arbor France) comme employée élevage et couvoir a été victime d’un accident du travail. A la suite, elle a été déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail, qui l’a examinée les 1er et 16 avril 2014.
La salariée et son employeur ont signé une convention de rupture le 25 avril 2014. A la suite du délai de rétractation et de son examen par l’autorité administrative, la rupture conventionnelle a été homologuée.
Le contentieux engagé par la salariée inapte
Après la rupture contractuelle, la salariée a saisi la juridiction prud’homale pour faire dire nulle la rupture conventionnelle et obtenir des indemnités. En première instance, la salariée a obtenu satisfaction, mais en appel la situation a été retournée.
L’arrêt de la cour d’appel
La Cour d’appel de Bordeaux a débouté la salariée en rejetant ses demandes. La cour d’appel a, en effet, considéré que la rupture conventionnelle ne pouvait pas être remise en cause, puisqu’elle avait été régulièrement homologuée par l’autorité administrative, que la salariée n’avait pas invoqué de vice du consentement et qu’il n’y avait pas non plus démonstration d’une fraude de l’employeur.
La cour d’appel a par ailleurs exposé qu’il fallait faire une différence entre l’impossibilité de conclure une rupture amiable en cas d’inaptitude du salarié à la suite d’un accident du travail (jurisprudence de la Cour de cassation du 12 février 2002) et la possibilité de conclure une rupture conventionnelle.
NDLR : La jurisprudence du 12 février 2002, date d’avant la création de la rupture conventionnelle créée en 2008, mais était jusque-là considérée comme devant être prise en compte pour la rupture conventionnelle, qu’elle excluait.
Pour ce faire, la cour d’appel s’est référé à une autre jurisprudence de la Cour de Cassation du 30 septembre 2014, qui a rejeté un pourvoi en approuvant une cour d’appel qui avait considéré que sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue au cours de la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle.
(Arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux, 4 octobre 2017)
La compatibilité de la rupture conventionnelle avec l’inaptitude devant la Cour de cassation
La salariée se pourvoi en cassation
La salariée a formé un pourvoi en cassation en arguant notamment :
- que la cour d’appel s’est déterminée par des motifs inopérants tirés de l’absence de contestation par la salariée, antérieurement à la saisine de la juridiction prud’homale,
- alors qu’est nulle la rupture conventionnelle du contrat de travail conclue en méconnaissance des obligations d’ordre public à la charge de l’employeur au profit du salarié régulièrement déclaré inapte à son emploi à la suite d’un accident du travail
- et que l’arrêt dit que la rupture conventionnelle a été régulièrement homologuée par l’autorité administrative, alors qu’elle constatait qu’à la suite d’un accident du travail la salariée avait été déclarée définitivement inapte.
La Cour de cassation valide la rupture conventionnelle de la salariée inapte
La Cour de cassation a dit que « la cour d’appel a retenu à bon droit que, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, non allégué en l’espèce, une convention de rupture pouvait être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail ». Sur ce motif, la Cour a rejeté le pourvoi de la salariée(Cour de cassation, chambre sociale, 9 mai 2019, N° : 17-28767).
Conclusion :
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La Cour de cassation a indiqué que sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une convention de rupture peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail. Bien sûr, ce qui a été accepté pour un salarié en inaptitude professionnelle, qui bénéficie d’une protection particulière, est applicable dans les mêmes conditions pour un salarié en inaptitude non professionnelle.
Salariés (surtout en inaptitude professionnelle) et employeurs auront toutefois intérêt à bien mesurer les risques avant d’opter pour une rupture conventionnelle à la place du licenciement pour inaptitude.
Un salarié en inaptitude professionnelle aura intérêt à vérifier qu’il ne perd pas trop avec la rupture conventionnelle. Et l’employeur, quant à lui, devra prendre en compte qu’un salarié inapte aura plus d’arguments à faire valoir une fraude ou un vice du consentement qu’un autre salarié.
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : code du travail ; jurisprudences de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr.
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