Doit-il y avoir un délai entre l’entretien et la signature ?
Au moins un entretien est obligatoire avant la signature d’une convention de rupture. Doit-il y avoir un délai entre l’entretien préalable à une rupture conventionnelle et la signature de la convention de rupture ? Une jurisprudence de la Cour de cassation concernant une signature le jour même de l’entretien unique, a dit le droit… mais il faut aussi laisser place à la raison.
Le contexte de la rupture conventionnelle
Une salariée engagée en avril 2001 par la société Sécuritas France comme directrice d’agence devait intégrer de nouvelles responsabilités dans le cadre de son poste « dans un contexte non dénié de pleurs et d’épuisement hiérarchique ». Dans ce contexte, la salariée et son employeur se sont rencontrés le 1er mars 2010 et ont convenu lors de l’entretien d’une rupture conventionnelle, qui a été signée le jour même.
La rupture conventionnelle a ensuite été homologuée par l’autorité administrative.
Le contentieux
La salariée a saisi la juridiction prud’homale pour demander la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses sommes découlant de cette requalification.
L’arrêt de la cour d’appel
La Cour d’appel de Poitiers a déclaré la rupture conventionnelle conclue entre la salariée et son employeur valide au motif que les parties s’étaient bien rencontrées et qu’aucune pression ou contrainte n’avait été exercée sur le salarié pour l’inciter à choisir la voie de la rupture conventionnelle (arrêt du 14 mars 2012).
Le pourvoi de la salariée
A la suite de cet arrêt, la salariée a formé un pourvoi en cassation.
Rappelant qu’une convention de rupture conventionnelle doit être précédée d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels chacune des parties peut se faire assister par une personne de son choix (voir les conditions exactes), la salariée en déduisait qu’un délai raisonnable était requis entre l’entretien et la signature de l’acte de rupture, afin de permettre aux parties de « prendre les dispositions nécessaires notamment pour se faire assister ». Relevant que la cour d’appel n’avait pas constaté l’existence d’un délai raisonnable pour qu’elle puisse s’organiser pour se faire assister, la salariée reprochait à la cour d’appel d’avoir violé l’article L 1237-12 du code du travail.
Selon la salariée, la cour d’appel avait constaté qu’elle avait été amenée à consentir à la rupture amiable en raison de l’adjonction à son poste de nouvelles responsabilités dans un contexte « non dénié de pleurs et d’épuisement hiérarchique ». Selon la salariée cela « établissait les pressions et les manœuvres exercées à son encontre par son employeur et la cour d’appel n’a pu (sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations) retenir que l’employeur n’avait pas tenté d’imposer abusivement la modification d’attributions et de pousser à signer la rupture conventionnelle, aurait violé l’article L 1237-11 du code du travail.
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation a confirmé la validité de la rupture conventionnelle en retenant que :
- « l’article L 1237-12 du code du travail n’instaure pas de délai entre, d’une part, l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et, d’autre part, la signature de la convention de rupture prévue à l’article L 1237-11 du code du travail ;
- « l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L 1237-11 du code du travail ;
- « la cour d’appel a relevé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, qu’aucune pression ou contrainte n’avait été exercée sur la salariée pour l’inciter à choisir la voie de la rupture conventionnelle ».
Sur ces motifs la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la salariée.
(Cour de cassation, chambre sociale, 3 juillet 2013, N° : 12-19268).
Conclusion : le droit et la raison
La Cour de cassation est affirmative : l’article L 1237-12 du code du travail, qui impose la tenue d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels les parties conviennent d’une rupture conventionnelle, n’instaure pas de délai entre ce ou ces entretiens et la signature de la convention de rupture. La signature peut donc légalement avoir lieu le même jour que l’entretien.
Toutefois en pratique, si un seul entretien a lieu et que la signature de la convention de rupture a lieu dans la foulée le même jour, la réalité d’un véritable entretien et le libre consentement du salarié pourront plus facilement être mis en doute, même si l’unicité de date n’est pas suffisante pour remettre en cause la validité d’une rupture conventionnelle. De plus le salarié pris par surprise contestera plus souvent l’accord après son départ de l’entreprise, que celui qui aura réfléchi et donner un accord réellement consenti.
Concernant l’existence d’un conflit entre le salarié et l’employeur, la jurisprudence de la Cour de cassation est constante : le conflit n’empêche pas la rupture conventionnelle.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
Références : jurisprudence de la Cour d’appel de Paris
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