Avertissements et reproches à un salarié avant la rupture conventionnelle
Intervention syndicale dans le contentieux
Un employeur ayant, après deux avertissements, formulé à nouveau d’importants reproches à un salarié, peut-il proposer et signer une rupture conventionnelle avec celui-ci ? Pour la Cour de cassation l’existence d’un différend entre l’employeur et le salarié n’affecte pas, par elle-même, la validité de la convention de rupture. Par ailleurs, un syndicat peut-il intervenir dans le contentieux ? La Cour de cassation répond que non, car le litige relatif à la rupture conventionnelle ne porte pas, en lui-même, atteinte à l’intérêt collectif.
Avertissements et reproches à un salarié avant la rupture conventionnelle
Un salarié engagé fin août 1998 en CDI par la société Coignières Automobiles, comme peintre automobiles a fait l’objet de deux avertissements les 27 janvier et 16 juin 2009 puis s’est vu faire des reproches sur la qualité de son travail par son employeur lors d’un entretien du 8 octobre 2009. Lors de cet entretien son employeur lui a proposé d’entrer en pourparlers en vue d’« un licenciement amiable ». Le salarié a alors indiqué qu’il allait réfléchir.
L’employeur a convoqué le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception en vue d’une éventuelle rupture conventionnelle. Après deux entretiens, les 29 octobre 2009 et le 6 novembre 2009, les deux parties ont signé une première rupture conventionnelle, indemnisée à hauteur de 7.200 €, qui a été refusée le 2 décembre par l’inspecteur du travail. Une seconde rupture conventionnelle a été signée par les parties, avec pour même date le 6 novembre 2009 et pour seule modification le montant de l’indemnité de rupture portée à 7.700 €.
Cette seconde convention de rupture a été homologuée par l’administration à compter du 22 décembre 2009.
La rupture conventionnelle est-elle un licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Une intervention syndicale dans le contentieux est-elle recevable ?
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 28 janvier 2010 pour demander la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses sommes. L’union locale CGT de Rambouillet est intervenue à l’instance.
L’arrêt de la cour d’appel
L’arrêt de la cour d’appel a retenu qu’il existait un différend entre l’employeur et le salarié sur l’exécution du contrat de travail, en s’appuyant sur les deux avertissements et les reproches formulés le 8 octobre 2009, juste avant de le convoquer en vue d’une éventuelle rupture conventionnelle.
Sur ce constat, la Cour d’appel de Versailles a fait droit aux demandes du salarié en requalifiant la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle a, de ce fait, condamné l’employeur à verser à son salarié une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, l’indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure, pour non-respect de l’information du droit individuel à la formation et à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse…
La cour a aussi dit qu’il y avait lieu d’opérer une compensation, entre ces sommes et l’indemnité de rupture conventionnelle perçue par le salarié (sur ce thème, lire cette jurisprudence du 30 mai 2018 : Restitution de l’indemnité de rupture conventionnelle).
La cour d’appel a, par ailleurs, condamné l’employeur à verser à l’union locale CGT des dommages-intérêts, en retenant que ce syndicat, non signataire de l’accord interprofessionnel ayant créé la rupture conventionnelle, était recevable à intervenir pour obtenir réparation du préjudice subi par l’intérêt collectif de la profession.
(Arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 13 juin 2012)
Le pourvoi en cassation de l’employeur
L’employeur a formé un pourvoi en cassation en exposant notamment que le salarié avait été assisté d’un professionnel des procédures prud’homales, qu’il ne s’était pas rétracté et qu’enfin il n’avait pas été invoqué de vice du consentement lors des entretiens et lors de la signature de la rupture.
La Cour de cassation juge valide la rupture conventionnelle et irrecevable l’intervention syndicale
Concernant la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause et sérieuse, la Cour de cassation a décidé « Qu’en statuant ainsi, alors que l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture, la cour d’appel a violé le texte susvisé » [l’article L. 1237-11 du code du travail].
Ensuite concernant les dommages et intérêt accordés à l’union locale CGT, la Cour de cassation a considéré que « le litige relatif à la rupture conventionnelle du contrat de travail d’un salarié ne porte pas en lui-même atteinte à l’intérêt collectif de la profession » et « Qu’en statuant comme elle a fait, la cour d’appel a violé le texte susvisé » [l’article L. 1237-11 du code du travail].
Par ces motifs, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel (sauf en ce qu’il a accueilli les demandes du salarié au titre des primes exceptionnelles pour les années 2008 et 2009 et des congés payés y afférents).
La Cour de cassation a dit qu’il n’y avait pas lieu à renvoi et a déclaré l’union locale CGT irrecevable en son intervention volontaire.
Disant qu’il n’y avait pas lieu à requalifier la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour de cassation a rejeté les demandes du salarié relatives à la rupture. Ce dernier étant en outre condamné aux dépens.
(Cour de cassation, chambre sociale, 15 janvier 2014, N° : 12-23942)
Conclusion :
L’existence d’un conflit entre l’employeur et le salarié, avant et pendant sa conclusion, n’affecte pas par elle-même la validité de la rupture conventionnelle. Pour qu’une rupture conventionnelle soit annulable et puisse être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, il faut qu’il y ait eu un vice du consentement.
Par ailleurs, la Cour de cassation a clairement indiqué que le litige relatif à la rupture conventionnelle d’un salarié ne porte pas en lui-même atteinte à l’intérêt collectif de la profession. Un syndicat n’est donc pas habilité à intervenir dans le contentieux qui concerne un salarié et son employeur.
Ce site gratuit est financé par la publicité, merci de nous soutenir.
Cette jurisprudence de la Cour de cassation du 15 janvier 2014, est à rapprocher d’autres jurisprudences : celle du 23 mai 2013, N° : 12-13865 et celle du 12 février 2014, N°: 12-29208, notamment.
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
Retrouvez les autres Jurisprudences de la rupture conventionnelle individuelle
Accès à la page 1 du site : Rupture conventionnelle du CDI
Sources : jurisprudence de la Cour de cassation legifrance.gouv.fr
© Rupture conventionnelle du CDI – La marque et le contenu du site ruptureconventionnellecdi.fr. sont soumis à la protection de la propriété intellectuelle. Le site Rupture conventionnelle du cdi est le 1er site complet d’expertise autour de la rupture conventionnelle du cdi. Article : Avertissements et reproches à un salarié avant la rupture conventionnelle – Intervention syndicale dans le contentieux. Les mots clés sont : rupture conventionnelle ; conflit entre l’employeur et le salarié ; validité de la rupture conventionnelle ; situation conflictuelle ; absence de vice du consentement ; intérêt collectif de la profession ; différend entre l’employeur et le salarié ; relation conflictuelle ; jurisprudence ; Cour de cassation.