Validation du barème prud’homal

Une rupture conventionnelle peut est requalifiée par la juridiction prud’homale s’il y a contournement de la législation, fraude aux règles protectrices ou vice du consentement. Dans ce cas, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec pour conséquence le versement d’une indemnité prud’homale (aussi appelée indemnité pour licenciement abusif, ou indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) constituant des dommages et intérêts et d’une indemnité compensatrice de préavis qui s’ajoutent à l’indemnité de rupture requalifiée en indemnité de licenciement.

Depuis les ordonnances de septembre 2017, les indemnités prud’homales sont encadrées par un barème encadrant l’appréciation du juste montant d’indemnité par les juridictions prud’homales. Ce barème ne s’applique toutefois pas en cas de violation d’une liberté fondamentale, de harcèlement moral ou sexuel, ou de discrimination… Ce barème a été contesté, notamment par des Conseils de Prud’hommes, mais la Cour de cassation a donné un avis validant le barème d’indemnité.

L’opposition au barème de certains conseils de prud’hommes et la procédure d’avis

L’instauration du barème d’indemnités prud’homales a été un des aspects les plus importants de la réforme du droit du travail par ordonnances de septembre 2017. Le barème plafonne les indemnités prud’homales entre un et vingt mois de salaire brut en fonction de l’ancienneté. L’objectif d’Emmanuel Macron était de lever la crainte des employeurs d’embaucher en CDI et de développer l’emploi. Les syndicats ont dénoncé une sécurisation des employeurs avec des plafonds d’indemnité trop bas surtout pour les salariés à faible ancienneté.

La nécessité de trancher la question de la validité du barème

Après qu’une vingtaine de conseils de prud’hommes aient refusé de tenir compte du barème pourtant prévu par la loi, il était nécessaire que la question de la validité du barème soit tranchée. L’argument juridique opposé à l’application du barème était qu’il serait illégal, car ne respectant pas l’article 24 de la Charte sociale européenne et l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail. Cela au motif d’une impossibilité d’attribuer dans tous les cas une indemnisation compensant réellement le préjudice. Deux conseils de prud’hommes ont saisi la Cour de cassation d’une demande d’avis.

Compétence de la Cour de cassation

La Cour de cassation réunie en formation plénière s’est déclarée compétente en matière de contrôle abstrait * de la compatibilité d’une disposition de droit interne avec les dispositions de normes européennes et internationales.

* La cour de cassation est compétente pour le respect du droit, mais pas pour juger des faits.

L’avis de la Cour de cassation sur la validité du barème d’indemnités prud’homales

La Cour de cassation a tranché le débat, en indiquant : 

  • que les dispositions relatives au barème n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
  • que les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ;
  • que le terme « adéquat » employé dans l’article 10 de la Convention n° 158 sur le licenciement de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) doit être compris comme réservant aux Etats signataires une marge d’appréciation, ce qui le rend compatible avec article L 1235-3 du code du travail (c’est-à-dire avec le barème) ;
  • et que, par conséquent, les dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail, qui fixent le barème d’indemnité prud’homale, sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, « l’Etat n’ayant fait qu’user de sa marge d’appréciation ».

Par ailleurs,  la Cour de cassation a souligné que le Conseil constitutionnel avait déjà déclarées conformes à la Constitution la loi N° 2018-217 ratifiant diverses ordonnances parue au Journal officiel du 31 mars 2018.

Portée de l’avis de la Cour de cassation

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La Cour de cassation n’a que formulé un « avis », du fait de la procédure engagée. Mais, dans l’hypothèse où certains conseils de prud’hommes continueraient à refuser d’appliquer le barème d’indemnités prud’homales, leurs jugements seront logiquement infirmés en appel, puisque la Cour de cassation qui s’est exprimé est la juridiction supérieure dont le rôle est d’unifier la jurisprudence de l’ordre judiciaire et de faire respecter le droit par son pouvoir de cassation des jugements et arrêts d’appel. Et l’avis de la Cour de cassation a été prononcé en formation plénière, ce qui lui donne le plus de force et de solennité.

Rappelons que le barème qui limite le montant possible d’indemnité, ne s’applique pas lorsqu’il y a eu violation d’une liberté fondamentale, harcèlement moral ou sexuel, ou discrimination…  De ce fait, on peut penser que les avocats des salariés s’efforceront, plus encore que jusqu’à présent, de chercher à convaincre les juridictions que le salarié n’a accepté de signer une rupture conventionnelle que parce qu’il était victime d’un harcèlement ou d’une discrimination.

Accéder au barème prud’homal

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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