Salarié protégé et rupture conventionnelle

Salarié protégé et rupture conventionnelleUn salarié protégé et son employeur peuvent décider de rompre le contrat de travail à durée indéterminée par une rupture conventionnelle. Comme pour les autres ruptures du contrat de travail d’un salarié protégé, une procédure spécifique doit être appliquée. A la différence des autres ruptures conventionnelles individuelles pour lesquelles une homologation par l’administration est prévue, une autorisation de l’inspecteur du travail est nécessaire pour un salarié protégé. Mise à jour le 31 décembre 2017.

Salariés protégés et rupture conventionnelle du CDI

Certains salariés, disposant d’un mandat de représentant du personnel ou syndical, bénéficient d’une protection. L’objectif de cette protection est de garantir le bon fonctionnement des instances représentatives du personnel en supprimant la possibilité d’une pression de l’employeur. Cette protection a, en France, valeur constitutionnelle. Elle est aussi exigée par l’Organisation Internationale du Travail et au niveau européen par la Charte sociale européenne et la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Les salariés bénéficiant d’une protection mentionnés aux articles L 2411-1 et L 2411-2 du code du travail (membre de la délégation du personnel du comité social et économique, ou du comité d’entreprise, délégué syndical, délégué du personnel, représentant syndical , représentant du personnel au CHSCT, notamment) peuvent bénéficier de la rupture conventionnelle. Mais pour assurer leur protection, par dérogation aux dispositions de l’article L. 1237-14 du code du travail, la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail.

Pour les médecins du travail, la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail, après avis du médecin inspecteur du travail.

(Article L 1237-15 du code du travail)

Les employeurs de salariés qui étaient détenteurs d’un des mandats concernés, dans la limite des durées prévues par les articles L  2411-3 et suivants du Code du travail, doivent appliquer la procédure spécifique concernant les salariés protégés et utiliser le formulaire prévu pour les salariés protégés (Circulaire DGT N° 2009-04 du 17 mars 2009).

Procédure à appliquer avant la demande d’autorisation

La consultation du comité social et économique ou du comité d’entreprise

S’il existe un comité social et économique ou un comité d’entreprise dans l’entreprise, celui-ci doit être consulté sur le projet de rupture conventionnelle du CDI du salarié protégé, lorsque celui-ci est membre de la délégation du personnel au comité social et économique ou au comité d’entreprise (titulaire ou suppléant), délégué du personnel (titulaire ou suppléant), représentant syndical au comité d’entreprise, ou représentant des salariés au comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)  (1).

Dans les entreprises disposant de plusieurs comités d’établissement, c’est le comité d’établissement où exerce le salarié qui doit être consulté sur le projet de rupture conventionnelle d’un salarié protégé.

L’information et la consultation du comité doit avoir lieu avant la signature de la convention de rupture.

L’entretien préalable à la convention de rupture

Le ou les entretiens préalable(s) à la signature de la convention de rupture doivent se tenir comme pour les salariés non-protégés, avec les mêmes règles relatives à l’assistance du salarié et de l’employeur que pour les autres salariés. Rien ne précise si le ou les entretien(s) doivent avoir lieu avant l’information et la consultation du comité social et économique ou du comité d’entreprise. Il semble cependant préférable que l’employeur ait trouvé un accord avec le salarié protégé avant de présenter le projet de rupture conventionnelle au comité. La consultation se passera mieux si l’employeur et le salarié protégé concerné demande l’approbation du comité.

La signature de la rupture conventionnelle

Une fois l’avis du comité recueilli, lorsqu’il est rendu obligatoire par la loi, l’employeur et le salarié peuvent signer la convention de rupture, sur le formulaire prévu pour les salariés protégés (Cerfa N° 14599*01).

Le droit de rétractation

Le salarié protégé et son employeur disposent chacun d’un droit de rétractation, comme les salariés non protégés et leurs employeurs. Le délai de rétractation de 15 jours calendaires commence à compter du lendemain de la signature de la convention de rupture.

La demande d’autorisation de rupture conventionnelle d’un salarié protégé   

La demande d’autorisation de rupture conventionnelle doit être faite sur le formulaire prévu pour les salariés protégés (Cerfa N° 14599*01), à partir du lendemain de l’expiration du délai de rétractation.

Le contenu du formulaire Cerfa à utiliser pour les salariés protégés est exactement le même que celui applicable aux salariés non protégés.

Les seules différences entre les deux formulaires sont le titre du document et les notes explicatives. Au lieu de parler d’homologation (nécessaire pour les salariés non-protégés) et d’envoi de la demande à l’unité territoriale de la DIRECCTE, le Cerfa N° 14599*01 à utiliser pour les salariés protégés indique que la validité de la convention de rupture conventionnelle est subordonnée à l’autorisation de l’inspection du travail et que la demande d’autorisation doit lui être envoyée,  « selon les règles habituelles (article R. 2421-1 et suivants du code du travail) ».

La demande d’autorisation de rupture conventionnelle doit être  accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité social et économique oui du comité d’entreprise. Elle doit être adressée à l’inspecteur du travail dont dépend l’établissement dans lequel est employé l’intéressé par lettre recommandée avec avis de réception (ce qui n’est pas obligatoire pour la demande d’homologation qui peut être remise en main propre).

Selon la règle fixé pour l’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, à laquelle il convient de se référer par analogie pour la rupture conventionnelle, l’inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d’un représentant de son syndicat, puis prend sa décision dans un délai de quinze jours, à compter de la réception de la demande d’autorisation.

L’administration considère que c’est l’employeur qui adresse, après la fin du délai de rétractation de 15 jours calendaire, la demande d’autorisation de rupture conventionnelle à l’inspecteur du travail pour un salarié protégé (Circulaire DGT N° 2008-11 du 22 juillet 2008). L’administration fait ainsi une différence avec la règle applicable concernant la demande d’homologation pour les salariés non-protégés, qui peut être envoyées aussi bien par l’employeur que par le salarié, même si l’envoi est le plus généralement effectué par l’employeur.

Responsabilité de l’inspecteur du travail face au projet de rupture conventionnelle d’un salarié protégé

L’inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire et entend l’employeur et le salarié protégé.

Dans l’exercice de sa compétence, appliquée à la rupture conventionnelle, l’inspecteur du travail n’a pas (contrairement à la règle lorsqu’il s’agit d’une demande d’autorisation de licenciement) à apprécier l’existence de la validité d’un motif qui justifierait la rupture conventionnelle.

Les vérifications par l’inspecteur du travail

La responsabilité de l’inspecteur du travail est (comme pour l’homologation concernant les salariés non-protégés) de s’assurer de la liberté de consentement des parties à partir du contrôle des éléments devant figurer sur la demande d’autorisation de rupture conventionnelle. Ces éléments concernent les informations relatives aux parties, l’ancienneté et la rémunération du salarié sur les douze derniers mois, la tenue d’au moins un entretien, le respect des règles relatives à l’assistance des parties lors des entretiens et la signature de la convention de rupture.

L’inspecteur du travail doit s’assurer de l’absence de toute pression de la part de l’employeur, qui se rattacherait notamment à l’exercice du mandat du salarié protégé. La décision autorisant la rupture conventionnelle doit toujours constater l’absence de lien avec le mandat du salarié protégé.

L’inspecteur du travail s’assure aussi de la consultation du CE.

Le législateur ayant exclu de la rupture conventionnelle, les ruptures amiables intervenant dans le cadre des accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou dans le cadre de la mise en œuvre des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), l’inspecteur du travail doit être vigilant à cet égard.

Une rupture conventionnelle ne doit pas être conclue en vue de contourner les garanties en matière de licenciements économiques et collectifs. Le caractère coordonné et organisé de ruptures conventionnelles peut constituer un indice de contournement. Cependant, un contexte économique difficile pour l’entreprise, voire un PSE circonscrit à d’autres emplois, ne sont pas à eux seuls suffisants pour exclure l’application de la rupture conventionnelle. Le contrôle par  l’inspecteur du travail  semble donc difficile pour éviter un contournement.

Notification et motivation de la décision de l’inspecteur du travail

La décision d’autorisation de la rupture conventionnelle du CDI d’un salarié protégé doit être motivée et notifiée par lettre recommandée avec avis de réception à l’employeur et au salarié.

L’inspecteur du travail doit rendre sa décision dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la demande d’autorisation. Toutefois, ce délai peut être prolongé si les nécessités de l’enquête le justifient. L’inspecteur du travail doit, dans ce cas, en informer les parties.

La décision d’autorisation de rupture conventionnelle par l’inspecteur du travail ne peut pas être implicite, comme c’est le cas pour la décision d’homologation. Ainsi, même si l’inspecteur du travail laisse passer le délai normal de réponse, l’autorisation n’est pas acquise.

La rupture ne peut pas avoir lieu que le lendemain du jour de l’autorisation.

(1) liste non exhaustive.

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Références : Code du travail ; circulaire DGT n° 2008-11 du 22 juillet 2008 ; circulaire DGT n° 2009-04 du 17 mars 2009.

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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Comments

  • dave dit :

    Bonjour,
    En tant que salarié protégé, une réunion de CE extraordinaire doit être faite avec l’avis des différents élus, si l’avis des élus a été fait à voix haute et non pas via bulletins secrets, est ce un motif de refus de cette demande de rupture ?
    Car il n’est pas stipulé de quelle manière doit on procédé pour la consultation du CE.
    Merci

    • admin3921 dit :

      Bonjour,
      L’article R 2421-20 du code du travail, créé par Décret n°2017-1819 du 29 décembre 2017 – art. 2, prévoit que : « L’avis émis par le comité social et économique au titre de la consultation faîte en application de l’article L. 2421-3 est exprimé au scrutin secret après audition de l’intéressé. » Cependant, pour le Conseil d’Etat, le principe du secret du scrutin n’est pas absolu.
      Il a considéré que Le fait que les membres du CE se soient unanimement exprimés contre un projet de licenciement par un vote à main levée n’avait pas compromis la régularité de la consultation sur la demande d’autorisation (Conseil d’Etat, 4 juillet 2018, n° 410904).
      Dans la mesure où vous êtes favorable à l’autorisation (ce que je suppose s’agissant d’une rupture conventionnelle), si le secrétaire du CE ne précise pas dans le procès verbal comment a été recueilli l’avis des membres du CE, ou si l’avis était unanimement négatif, il ne devrait probablement pas y avoir de problème. Sinon il peut y avoir une incertitude.
      S’il y a un doute, vous pourriez consulter l’inspecteur du travail et si nécessaire refaire la consultation avec un vote à bulletins secrets.
      Bien cordialement.

  • Rupture dit :

    Bonjour,

    Lors de l’entretien de l’enquête contradictoire, si l’inspecteur est d’accord pour la rupture conventionnelle sous quel délai avons nous la réponse ?
    Par quel biais, lettre remise en mains propres ou en recommandée avec AR ?

    • admin3921 dit :

      Bonjour,
      Comme indiqué dans l’article ci-dessus, l’inspecteur du travail dispose d’un délai de 15 jours à compter de la réception de la demande d’autorisation. Ce délai peut, cependant, être prolongé si nécessaire. Le délai réel pratiqué dépend de l’inspecteur du travail, de sa charge de travail… L’autorisation de rupture conventionnelle par l’inspecteur du travail ne peut pas être implicite, le défaut de réponse vaut refus.
      La décision d’autorisation de la rupture conventionnelle d’un salarié protégé par l’inspecteur du travail est notifiée par lettre recommandée avec AR adressée à l’employeur et au salarié.
      Bien cordialement.

  • POIRIER dit :

    Bonjour
    Et si l’inspection du travail ne donne pas de nouvelles pour un salarié protégé ?
    Quel est le recours ? Si l’inspection laisse passer le délai des 2 mois et […] ne demande rien depuis qu’elle a entendu les 2 parties lors de son enquête contradictoire ?

    • admin3921 dit :

      Bonsoir,
      Comme je l’ai indiqué dans l’article ci-dessus, l’autorisation d’une rupture conventionnelle par l’inspecteur du travail pour un salarié protégé ne peut pas être implicite, ou tacite. Au-delà du délai théorique de 15 jours, à partir de deux mois une absence de réponse vaut refus d’autorisation.
      Au-delà des 15 jours et si possible avant les deux mois, il est évidemment possible de relancer l’inspecteur du travail, par téléphone par exemple.
      Au-delà des deux mois, il est possible d’exercer un recours hiérarchique auprès du (ou de la) ministre du travail, ou un recours contentieux devant le tribunal administratif.
      Bien cordialement.

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