Le harcèlement moral ne suffit pas à invalider une rupture conventionnelle

Une rupture conventionnelle a été signée entre une salariée et son employeur. Puis après la rupture de son contrat de travail, la salariée ayant été victime d’un harcèlement moral demande l’annulation de la rupture conventionnelle. Mais, elle n’invoque pas un vice de consentement. Résultat, la Cour de cassation considère qu’en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture. Jurisprudence du 23 janvier 2019.

Rupture conventionnelle et harcèlement, l’annulation est-elle possible ?

Une salariée travaillant comme agent administratif et commercial depuis juin 2011 a signé une convention de rupture avec son employeur, la société Cordirom, le 28 avril 2014.

Une fois la rupture conventionnelle devenue effective, le salarié a demandé devant la juridiction prud’homale qu’elle soit déclarée nulle. La salariée n’a pas allégué l’existence d’un vice du consentement à la rupture conventionnelle. Par contre, elle a invoqué un harcèlement moral.

L’arrêt de la cour d’appel

La Cour d’appel a considéré qu’un salarié pouvait obtenir l’annulation de la rupture de son contrat de travail en établissant qu’elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, sans avoir à prouver un vice du consentement. De ce fait, la cour d’appel a jugé qu’il y avait nullité de la rupture conventionnelle.

(Arrêt de la Cour d’appel de Bastia, du 17 mai 2017).

Le pourvoi de l’employeur

L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation. Ses arguments ont été les suivants :

1 – Sauf à procéder d’une fraude ou d’un vice du consentement, l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture. En affirmant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L 1237-11, L 1152-1 et L 1152-3 du code du travail.

2 – La cour d’appel, en jugeant que le harcèlement moral subi par la salariée justifiait l’annulation de la rupture conventionnelle, alors même qu’elle constatait que « la salariée n’invoquait aucun vice du consentement », la cour d’appel a violé l’article L 1237-11 du code du travail.

3 – Subsidiairement, la cour d’appel, « en statuant comme elle a fait, sans caractériser l’existence de contraintes ou de pressions exercées sur la salariée l’ayant incitée à demander la rupture amiable du contrat de travail, puis à conclure une rupture conventionnelle, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’existence de violence ayant vicié le consentement de la salariée, a privé sa décision de base légale ».

La Cour de cassation précise sa jurisprudence : le vice du consentement est indispensable pour rendre nulle une rupture conventionnelle

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation a dit « qu’en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail [et donc que] la cour d’appel a violé les textes susvisés ». Ces textes sont les articles L 1237-11, L 1152-1 et L 1152-3 du code du travail.

Par ces motifs, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Bastia et a  condamné la salariée aux dépens.

(Cour de cassation, chambre sociale, 23 janvier 2019, N° : 17-21550)

Conclusion

La Cour de cassation a à de multiple reprise dit qu’un vice du consentement entraîne la nullité de la rupture conventionnelle. Elle avait aussi indiqué qu’un harcèlement incitant le salarié à choisir la voie de la rupture conventionnelle justifie l’annulation de la rupture conventionnelle. Par contre, la Cour avait aussi indiqué que l’existence d’un litige entre les parties au moment de la conclusion de la convention n’affecte pas par elle-même sa validité.

Dans cette jurisprudence, la Cour de cassation précise qu’un harcèlement moral n’affecte pas en lui-même la validité de la convention de rupture, s’il n’y a pas de vice du consentement. En pratique, la cour d’appel aurait considéré que les faits de harcèlement avaient incité le salarié à signer la convention de rupture, la cour de cassation aurait approuvé l’annulation ! L’arrêt de la cour d’appel et sa formulation revêtent donc une extrême importance. L’explication en est que la Cour de cassation ne juge que le droit et non les faits qui sont jugés par les juges du fond.

Source : jurisprudences de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr ; code du travail.

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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